Et certes, si vous voulez la gratuité du crédit, vous êtes tenus de prouver que le capital n’est pas né du travail de celui qui le prête et qu’il ne féconde pas le travail de celui qui l’emprunte.

Frédéric Bastiat
Œuvres Complètes, tome V, pages 94 à 335
Dixième lettre, pages 225 à 237

Après avoir expliqué qu’il n’apprécie pas les insultes de son interlocuteur, Frédéric Bastiat insiste pour revenir au sujet, à savoir: la gratuité du crédit. La citation d’aujourd’hui devrait mettre un terme à la polémique dans la mesure où si le premier terme de la proposition n’est pas toujours vrai (une fortune peut avoir été mal acquise), le second terme est nécessairement vrai (emprunter sans en attendre un bénéfice relève de la psychiatrie, pas de l’économie). Par ailleurs, il pourrait être intéressant de faire un parallèle avec ce qu’il se passe de nos jours: si le prêteur est la presse de la banque centrale et l’emprunteur est le gouvernement qui ne cherche qu’à dépenser le crédit sans féconder aucun travail, est-il étonnant que les hommes politiques pensent avoir prouvé que la gratuité du crédit était possible?

Ce qui est admirable dans cette lettre, c’est que Frédéric Bastiat montre qu’il est capable de ne pas se démonter face à un adversaire dont l’honnêteté intellectuelle est pour le moins douteuse et qu’il profite tout simplement de ses arguments fallacieux ou erronés pour rebondir et toujours tenter de trouver un terrain d’entente. En l’occurence, les reproches de Proudhon sur la Banque de France traduisent le fait que “elle a un privilège” en conséquence de quoi “elle ne [peut] en rien éclairer le débat”. 

Mais ce privilège est justement l’occasion de chercher un terrain d’entente: la liberté ne peut pas s’accommoder de privilèges et leur dénonciation qui avait été à la source de la Révolution Française pourrait bien être un point d’accord entre Frédéric Bastiat et Pierre-Joseph Proudhon, avant que de conclure que “le capital doit se prêter non gratuitement, mais librement.”

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