XII. LES DEUX DEVISES

L’individualisme accomplit donc ici l’œuvre que les sentimentalistes de notre temps voudraient confier à la Fraternité, à l’abnegation, ou je ne sais à quel autre mobile opposé à l’amour de soi.

Frédéric Bastiat
Œuvres Complètes, tome VI, pages 419 à 429
Harmonies Economiques

Cette citation est à mon avis la clé de voûte de ce chapitre dans lequel Frédéric Bastiat explique pourquoi l’individualisme est non seulement le moteur de l’économie, mais, contrairement à ce que croient les constructivistes, il est à la source de la vie sociale. Adam Smith l’avait exprimé dans ses Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations (livre 1, chapitre 2, traduction de 1788) avec ce constat célèbre: “Ce n’est point de l’affectation du boucher, du brasseur & du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attachement qu’ils ont à leur intérêt personnel.”

Ce court chapitre est l’occasion d’évoquer le problème de la fraternité apparaissant dans la devise de la République Française (Liberté-Égalité-Fraternité): si les deux premiers se complètent et permettent de s’équilibrer, le concept parfaitement noble de la fraternité est antinomique lorsqu’il est imposé par les institutions. Etant maintenant fortement ancré dans la culture française, il est probable que ce soit une des contradictions qui enferme la France dans le carcan constructiviste où elle se trouve en raison de ce que Frédéric Bastiat avait identifié en écrivant à propos des interactions économiques au sein de la société: “Or il n’est pas plus possible de fonder ces transactions sur le principe sympathique qu’il ne serait raisonnable de fonder les rapports de famille et d’amitié sur le principe de l’intérêt. Je dirai éternellement aux Socialistes: vous voulez confondre deux choses qui ne peuvent être confondues”.

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