LETTRES A M. DOMENGER – 3

S’il n’y avait qu’un prétendant, ce serait l’affaire d’une révolution (dont Dieu nous préserve); mais comme il y en a plusieurs, c’est une question de guerre civile.

Frédéric Bastiat
Œuvres Complètes, tome VII, page 388
18 janvier 1849

Billet très court écrit en pleine crise politique, un mois après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la république le 10 décembre 1848 et deux semaines avant l’auto-dissolution de l’assemblée (dont il est question ici) le 29 janvier 1849.

Ce qui est intéressant dans ce billet, c’est de voir non seulement la fragilité de la démocratie mais également son atout principal. Contrairement à ce que pensent trop de monde, ce n’est pas parce qu’elle permet de dégager une majorité que la démocratie est souhaitable mais parce qu’elle permet de stabiliser les institutions et de faire accepter la défaite électorale à ceux qui perdent une élection. En effet, si la défaite électorale n’est pas acceptée (ou n’existe pas dans le cas d’une dictature classique), l’alternative qui se présente aux laissé-pour-comptes est soit la révolution (quand ils sont d’accord entre eux), soit la guerre civile (lorsque les opposants ne sont pas d’accord entre eux). 

C’est une des raisons pour laquelle la polarisation politique qu’on observe de nos jours est inquiétante: quand la légitimité du pouvoir n’est plus reconnue, la démocratie est en péril.