Un jour viendra où l’on dira: Puisque nous ne pouvons renvoyer l’armée dans ses foyers, il faut l’envoyer soulever les peuples.
Frédéric Bastiat
Œuvres Complètes, tome I, page 172
Lettre du 25 février 1848
Frédéric Bastiat s’inquiète au fil de ses lettres à Cobden que, suite à l’abolition des Lois Céréales, il n’y a pas de diminution du budget de l’armée au Royaume-Uni. Convaincu que le libre-échange éteint la belligérance des peuples, il s’attendait à ce que la logique permette au Royaume-Uni d’entrer dans un cercle vertueux de réduction des dépenses militaires et de la menace vis-à-vis de ses partenaires commerciaux.
La citation d’aujourd’hui s’inscrit juste après la révolution de février 1848: il y est de nouveau question de l’armée britannique et de ce qu’elle signifie pour l’armée française. Dans la mesure où la force britannique ne diminue pas, la nouvelle république se trouve “contrainte” de maintenir une armée forte et coûteuse. Selon Frédéric Bastiat, cela condamne la France à ne pas être capable de conduire les réformes économiques nécessaires et donc de continuer à créer des frustrations propres à encourager le nationalisme (terme anachronique ici) des populistes.
Ce que la citation révèle va, selon moi, au-delà du contexte particulier du ministère de la défense (ou de l’offence) bien que ce soit à cet endroit que le risque y est exacerbé. En effet, entretenir une armée de défense est très coûteux mais le succès doit se mesurer par son inactivité: ce n’est en général pas très glorieux pour ceux qui s’y trouvent. En conséquence, le risque qu’une armée de défense se transforme en armée offensive augmente dès lors que l’armée frappée d’inaction est pléthorique. C’est aussi vrai pour les autres dépenses pléthoriques: l’inaction, aussi souhaitable soit-elle, a peu de chances face à une forte capacité d’action, aussi nuisible soit cette dernière.